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OCCULTISME ET FRANC-MAÇONNERIE

(SAPIENCAE CHRISTIANAE – Père Lucien Roure, S.J.1930) – Ce qui impressionne ou intrigue, tout d’abord, le profane ou l’historien en matière de franc-maçonnerie, c’est le mystère dont elle s’entoure et le merveilleux auquel elle est attachée. À ses adhérents, elle impose le secret le plus strict. À chaque échelon qui gravit l’échelle des degrés, le candidat renouvelle son serment de ne rien divulguer de ce qu’il a vu ou connu de la franc-maçonnerie. Et ce serment lui est exigé non seulement sur ce qui lui est communiqué à ce moment-là, mais aussi sur tout ce qui peut lui être révélé dans l’avenir. Il prête ce serment au milieu d’un appareil volontairement impressionnant, avec des formules préméditativement terribles.

Pour mieux assurer le silence, l’initiation aux secrets des loges est progressive. D’ailleurs, le Grand Maître ou le Grand Conseil se réserve la connaissance des derniers secrets. Le silence s’impose sur le nom des Frères, sur le sujet et sur les délibérations des rencontres. Les procès-verbaux qui en sont faits ne sont pas dans le commerce. Vous ne pouvez les obtenir qu’à l’improviste. Malgré cela, il est clair qu’ils sont pleins de réticence et de dissimulation. Jamais les Grandes Loges n’ont clairement et officiellement présenté le design qu’elles proposent. Dire qu’il ne s’agit que de philanthropie, que la franc-maçonnerie n’est rien d’autre qu’une société d’entraide et de bienfaisance, c’est abuser de la crédulité du public. Comment admettre ce luxe extraordinaire de précautions pour un objectif aussi anodin ? Quel accès de modestie, quel raffinement de discrétion ! Le silence imposé ici n’a rien de commun avec la réserve qui est décente en matière de bienfaisance. Pour leurs affaires communes, les frères auront des mots de passe, des signes de convention, sans parler du fameux signal de détresse qui, à l’époque du Combismo ou pré-Combismo, venait parfois rassembler les frères hésitants dans les assemblées parlementaires lorsqu’il « pleuvait dans le temple », et ce qui était en danger n’était jamais une loi d’intérêt philanthropique. À l’usage des frères, tout un vocabulaire a été créé. C’est une langue dont la clé est tombée entre les mains des profanes, mais qui était, dans l’intention de ses créateurs, réservée aux initiés.

Dans ce langage réservé, une autre caractéristique de la franc-maçonnerie est déjà manifestée : la recherche du merveilleux. Les choses et les actions les plus simples sont désignées par des termes extraordinaires, comme pour faire comprendre à leurs adeptes qu’il y a dans tout cela un sens profond, une signification allégorique dont le contenu leur sera révélé plus tard. Le cérémonial des « vêtements » dans les loges officielles est fixé avec le souci constant de représenter une histoire ou une doctrine occulte, pleine de promesses. Par-dessus tout, le cadre des réceptions est réglé avec un luxe de détails qui nous semblent ridicules, mais auxquels le frère croyant se soumet avec révérence, parce qu’il insère sous chacune d’elles un mystère riche en merveilles. L’histoire d’Hiram et de son assassinat à venger occupe une grande place dans les rites maçonniques. Ainsi, les frères ont l’intention de se connecter avec les ouvriers qui ont érigé le temple de Salomon et dont ils prendraient leur nom. Il est vrai que d’autres, plus modestes, se réclament uniquement des Templiers. D’autres, cependant, placent à la fois les Templiers et les ouvriers de Salomon dans leurs origines, sans parler de ceux — et ils sont nombreux — qui, par l’intermédiaire d’un certain Andreae, prétendent être les héritiers du mystérieux chrétien Rosencreutz, fondateur des Rose-Croix, et remontent à travers lui aux mystères de l’Égypte et de l’Asie anciennes.

Ainsi, les francs-maçons eux-mêmes ne savent plus quel était leur lieu de naissance. De tant de recherches et d’accumulation de détails fabuleux, ils ont été les premiers à se perdre dans le fourré de leurs inventions. Il est cependant intéressant, pour mieux comprendre les relations entre franc-maçonnerie et occultisme, de demander à Gustave Bord, [1] et à quelques chercheurs qui ont suivi les indices qu’il a indiqués, ce qui s’avère plus probable sur les origines de la franc-maçonnerie.

Depuis l’Antiquité, il y a eu des associations et même des guildes de constructeurs, souvent à caractère religieux. On les trouve en Egypte, en Syrie, en Grèce, à Rome. Après avoir repoussé ou absorbé les barbares, l’Occident ressent en lui un accroissement d’énergie de vie. Les sociétés franc-maçonnes construisent des cathédrales, des ponts, des routes et des canaux. Des papes comme Nicolas III, en 1277, leur accordèrent des privilèges et immunités : exemption d’impôts et de service militaire, juridictions spéciales : d’où le nom de francs-maçons ou francs-maçons. À la fin des XVIe et XVIIe siècles, en Angleterre et en Écosse, les guildes de maçons constructeurs, sous le nom de francs-maçons, se plaçaient sous la protection de personnalités influentes. Gustave Bord pense pouvoir dire que Sir Christopher Wren était bien le Grand Maître de la corporation en 1685. De même, il lui semble certain que l’abbaye de Kilvinning, en Écosse, était au XVIIe siècle un centre important de francs-maçons écossais. Les Devoirs et Statuts furent publiés, rassemblés sur ordre de Guillaume III d’Orange en 1694. De ce document, il est prouvé qu’il existait à la fin du XVIIe siècle, en Angleterre, une guilde de francs-maçons ; ils s’appelaient compagnons ou frères ; ils reconnurent un maître ; s’il est entré dans la société par une initiation, ce qui supposerait un stage et l’équivalent du degré d’apprenti ; le secret a été imposé à tout ce qui concerne la franc-maçonnerie ; de plus, le premier devoir était d’être fidèle à Dieu, en se gardant de « toutes les hérésies qui ne le connaissent pas », et le second, d’être un sujet loyal du roi. Une société artisanale, avec des groupes mondains ou « clubs » par l’adhésion des membres de la noblesse.

« En Angleterre, alors que commençait la lutte entre la royauté Stuart et le Parlement, et plus tard entre les Stuarts et la maison d’Orange ou de Hanovre, les partis politiques, dit Gustave Bord, ont dû regrouper les guildes autour d’eux… Il est certain que les Stuarts, de Jacques Ier à Jacques II, ont fait usage de ces moyens, du moins en ce qui concerne les francs-maçons. La corporation artisanale et les clubs mondains prennent des positions politiques. Cependant, en décembre 1614, un manifeste intitulé Fama Fraternitatis Rosae Crucis est publié à Cassel. Le regretté Père Léonce de Grandmaison a raconté cette histoire il y a quelque temps ici dans Études [2]. Un noble allemand, qui n’est pas nommé, élevé dans un couvent dès l’âge de cinq ans, sort pour faire un pèlerinage aux lieux saints. Il continue vers Damas, puis vers l’Égypte, la Barbarie, le Maroc, où partout les mages lui révèlent de merveilleux secrets. Après quelques tentatives malheureuses en Espagne, il rentre en Allemagne dans son couvent. C’est là qu’il érigea la « Demeure de l’Esprit Saint », où il enseigna aux Frères la science occulte qu’il avait découverte un jour à Damas, dans le Livre du Monde. La réglementation garantit la perpétuité et le secret de la fraternité. Le fondateur meurt à l’âge de cent six ans. Cent vingt ans après sa mort, une porte est découverte dans la « Demeure du Saint-Esprit » avec cette inscription : Post CXX annos patebo [« Après 120 ans, je serai ouvert« ]. La porte menait à un tombeau chargé d’allégories et d’inscriptions symboliques ; là reposait le « Frère Rosicrucien ».

L’année suivante, un deuxième écrit est publié à Cassel : Confessio Fraternitatis RC, ad Eruditos Europæ. Celle-ci reprenait la première histoire avec un ton anti-papal très accentué. Il donnait principalement le nom du mystérieux fondateur et sa date de naissance : Christian Rosencreutz, né en 1378. Succès fulgurant du double roman rosicrucien. Les écrits pour ou contre la doctrine enseignée se multiplient. Personne ne semble douter de son authenticité. Entre-temps, un certain théologien protestant de Vurtenberg, Johann Valentin Andreæ, publie en 1616, à Strasbourg, le Mariage chimique de Christian Rosencreutz [3]. C’était comme un développement satirique des doctrines rosicruciennes. Les « savants » furent amenés à comparer les deux écrits attribués à Christian Rosencreutz avec divers ouvrages de J. V. Andreæ et avec ce que l’on savait de la vie et des doctrines de ce dernier. La suspicion fit place à la certitude lorsque, en 1849, J. Rheinwald publia pour la première fois l’Autobiographie de Johann Valentin Andreæ : il s’y avouait être l’auteur d’écrits rosicruciens.

Les doctrines des Rosicruciens envahiront les guildes des francs-maçons. Affilié à la Société Rosicrucienne de Londres, Elias Ashmole devint bientôt, avec son intelligence et son ambition, l’un des membres les plus influents. En 1646, il est admis dans le groupe des francs-maçons de Warington. Avec elle ont été introduites la légende symbolique du Temple de Salomon et, probablement, celle de l’assassinat d’Hiram, l’architecte du temple. Ils s’intéressaient, sous des formes allégoriques, aux sciences naturelles. Le droit du secret a été élargi et renforcé. Les cérémonies initiatiques ont été inventées. Après la défaite des Stuarts, en 1715, la franc-maçonnerie en Angleterre est en plein déclin. Un émigré français à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, Désaguliers, travaille avec la protection de George II pour le reconstituer hors de toute influence des Stuarts. C’est à cette époque qu’en Angleterre, les confréries de la franc-maçonnerie professionnelle et politique se transforment résolument en franc-maçonnerie philosophique. Le changement a eu lieu entre 1717 et 1723. Des textes datés de 1720 ou à peu près apportent les Obligations des francs-maçons ainsi que les Statuts ou Règlement général de l’Association. Il y est dit : « Laissant à eux-mêmes (les maçons) leurs opinions privées, il est jugé plus approprié de les obliger seulement à suivre la religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord. Elle consiste à être bon, sincère, modeste et honorable, quelle que soit la confession ou la croyance particulière par laquelle on peut se distinguer. Cela s’appelait ne pas être « un athée stupide ou un libertin sans religion ». Mais il est tout à fait évident qu’il s’agit d’une religion totalement laïque. D’autre part, on parlait encore de salaire, de travail à la journée ou à contrat, de l’interdiction de quitter le chantier avant la fin des travaux, et des devoirs des surveillants en l’absence du directeur des travaux, attendant que la truelle, l’équerre et le fil à plomb servent d’allégories et d’emblèmes dans la nouvelle religion philanthropique et égalitaire.

Cependant, une personne de culture plus large et d’une activité incroyable, en contact avec Fénelon et qui était devenu catholique, Andrew Michael Ramsay, renvoyé d’Angleterre pour son catholicisme, arriva à Paris. Dans des lettres adressées au cardinal Fleury, en 1737, il demande sa protection en faveur de l’Ordre des francs-maçons. Le cardinal refusa. Ramsay reprit un instant l’idée de réintégrer les Stuarts sur le trône. Il avait l’intention de refixer l’histoire légendaire des francs-maçons. [4] Surtout, il s’appliqua, sinon à créer, du moins à fortifier les hauts grades, ceux qui donnaient à la franc-maçonnerie sa forme extérieure définitive. C’est ainsi qu’elle s’est superposée à la franc-maçonnerie vulgaire ou à la franc-maçonnerie bleue avec ses trois degrés : Apprenti Entré, Compagnon de Métier et Maître, au Rite Écossais avec sept, neuf et, enfin, trente-trois degrés. Cette multiplication des degrés avait plusieurs objectifs. Il vous permettait de recruter des personnages grands et puissants, en leur offrant un titre proportionnel à leur qualité. Elle renforçait la discipline du secret : le titulaire d’un grade supérieur était considéré comme ayant des secrets qu’il n’était pas tenu de communiquer à quiconque avait des degrés inférieurs ; Ainsi, le mystère de la conception ultime de l’association s’est retiré et s’est retiré de la masse des adeptes. Finalement, il garda l’espoir de connaître un jour ces doctrines mystérieuses promises et le sens profond des rites et des allégories. Si certains pensaient que le bagage de connaissances révélé jusque-là était très léger, ils se disaient, on leur disait qu’à un degré supérieur la lumière serait donnée.

« Les degrés élevés se sont rapidement répandus en France », nous dit Gustave Bord. Ils entrèrent en Allemagne avec De Hund, fondateur de la Stricte Observance. « C’est De Hund qui a eu l’idée de fusionner le degré de Chevalier du Temple (de Salomon) avec la légende des chevaliers croisés et d’inventer la fable des Templiers. » Ce dernier aurait été en possession de connaissances mystérieuses, originaires d’Orient, ainsi que d’immenses richesses. La franc-maçonnerie aurait hérité de la première et envisagé un instant de revendiquer la seconde, détenue en partie par l’Ordre de Malte. Elle se chargea de venger, en même temps que le sort d’Hiram, l’exécution de Jacques Molay, victime de Philippe le Bel, et de Clément V, sous le prétexte desquels elle trouva, le cas échéant, les moyens de combattre la royauté et la papauté. D’une simple similitude de nom, est née cette extension de la légende primitive. Ce n’est qu’en 1738 que la franc-maçonnerie française semble avoir reçu son autonomie et sa constitution, pour ainsi dire, avec l’élection du peu édifiant duc d’Antin comme premier Grand Maître. Nous avons de lui un discours prononcé dans une assemblée solennelle de 1740, dans lequel, après quelques déclarations humanitaires, il s’exprime ainsi :

« L’Ordre exige de chacun de vous qu’il contribue par sa production, par sa libéralité ou par son travail à une œuvre vaste à laquelle aucune académie ne suffira. Tous les G∴ M∴ en Allemagne, en Angleterre, en Italie et ailleurs exhortent tous les savants et artisans de la confrérie à s’unir pour fournir les matériaux d’un dictionnaire universel des arts libéraux et des sciences utiles, à l’exclusion de la théologie et de la politique seulement. Le travail a déjà commencé à Londres. [5]

L’Encyclopédie Inglesa dont il s’agit ici anticipait, en même temps qu’elle les préparait, le Dictionnaire de Bayle et la Grande Encyclopédie dirigée par Diderot et D’Alembert. On voit que la franc-maçonnerie en France a pris une apparence nettement philosophique. Cependant, elle a conservé, avec les hauts degrés de la franc-maçonnerie écossaise, les légendes, les rites et les allégories de cette dernière. De plus, il était directement imprégné de doctrines et de pratiques occultes.

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Cette influence est clairement démontrée dans la correspondance et les récits d’un personnage qui, sans jouer un rôle d’inspiration de premier plan dans la franc-maçonnerie, a été plus que quiconque impliqué dans tous ses mouvements au cours de sa longue vie, qui ne s’est terminée qu’en 1824, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, et nous a laissé une image fidèle d’elle.

Jean-Baptiste Willermoz est né à Lyon le 10 juillet 1730. Il appartenait à la meilleure bourgeoisie lyonnaise. Lui-même « fabricant d’étoffes de soie et d’argent », « commissaire en tissage de soie », il montra des aptitudes remarquables en affaires. À sa mort, il était l’un des marchands et propriétaires immobiliers les plus riches de la ville. En 1753, il fonde la Loge de l’Amitié Parfaite, de rite ordinaire. La loge ne comptait que neuf membres. Willermoz était Vénérable, immuable. Elle rejoint la Grande Loge de France lorsqu’elle se sépare de celle de Londres. Willermoz a bien confirmé ses pouvoirs. En 1761, on le retrouve Grand Maître de la Grande Loge des Maîtres Réguliers, avec six membres, qui entendait exercer une sorte de police sur les loges de la région. L’année suivante, il se brouille avec la Grande Loge de France, mais il se mêle de plus en plus à plusieurs mouvements indépendants, dont il s’efforce de prendre la direction. C’est ainsi qu’en 1766 ou 1767, il dirige, à Lyon, la Loge des Élus Coens (prêtres, en hébreu). Les Élus Coen forment une classe très secrète d’initiés supérieurs, inconnus des maçons ordinaires, comme cela devait se produire dans le futur et, sans aucun doute, déjà dans le passé. En 1769, il n’y en avait pas plus de cinq. Le fondateur de ce groupe est un personnage autour duquel toute une légende s’est créée. Martinez Pasqualis, connu sous le nom de Martinès de Pasqually, était-il un juif portugais ? Son certificat de baptême, ayant été retrouvé, montre qu’il était catholique. Il est probablement né en 1715, dans la banlieue de Grenoble. Son vrai nom était, sans aucun doute, simplement Martin Pascalis. [6] Il enseignait que les êtres, les esprits purs, les hommes, les créatures matérielles, contenus originellement dans le sein de Dieu, émanaient de là par un acte de sa volonté. Mais en sortir, c’est décliner. La vie est un exil. Tous aspirent à la réinsertion. Ceci est accompli par l’effort de leur volonté, qui s’identifie à la volonté de Dieu et retrouve la vie divine. La réintégration sera universelle : la nature sera renouvelée et le principe du mal purifié. Pour cette grande œuvre, les êtres inférieurs ont besoin de l’aide des esprits qui peuplent l’espace. Il s’agit donc d’établir des communications avec eux. C’est ce qui se fait à travers tout un ensemble de pratiques théurgiques. Les disciples de Martinez Pasqualis prirent le nom de Martinistes. Le plus célèbre d’entre eux est Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu.

Les archives de Willermoz mettent fin à sa correspondance avec Pasqualis. Le Dr Papus (Gérard Encausse), le dernier titulaire, en publia une partie. Paul Vulliaud, qui l’avait aussi entre les mains, en livre des extraits dans son curieux livre Les Rosicruciens lionnois au XVIIIe siècle. [7] Le marchand lyonnais fait office de « Réau-Croix », le plus haut rang des Rosicruciens. Mais, comme son maître le lui rappelle, il est « désordonné ».

« Il est donc nécessaire que je vous ordonne dès maintenant par le biais d’une correspondance compatissante. Vous pouvez encore garder votre chambre en question, pour y travailler aux équinoxes d’alliance avec tous vos frères, chacun dans sa propre chambre privée, qui sera au mois de septembre prochain. Ne soyez pas impatient. Attendez votre heure. Ce genre de choses n’est pas seulement à la disposition de l’homme, mais plutôt du Très Haut et du Très Puissant Éternel. Je ne suis qu’un faible instrument à la disposition de Dieu, indigne que je suis, de se servir de moi pour ramener les hommes, mes semblables, à leur premier état d’amour, c’est-à-dire spirituellement homme.

L’initiation et la qualité du « Réau-Croix » comprennent, dans un premier temps, un régime.

« Tu ne prendras plus de sang d’animaux pour la durée de ta vie. Vous ne mangerez ni pigeon domestique, ni rognon, ni huile animale. Vous jeûnerez méticuleusement aux moments qui vous seront ordonnés, à chaque équinoxe. Vous commencerez votre jeûne la veille lorsque vous voudrez travailler votre quart de cercle. Vous ne pouvez et ne devez pas travailler, en tant qu’apprenti Réau-Croix, que trois jours d’affilée au début des équinoxes. Tu suivras la lune de mars et la lune de septembre, et non les jours qui ont été désignés comme équinoxes.

Il y a aussi la préparation spirituelle.

« Vous n’oublierez jamais de vos jours l’office de l’Esprit Saint, si vous suivez l’opération des apôtres. Vous n’omettrez pas non plus de dire le Miserere mei au centre de votre chambre, le soir avant d’aller vous coucher, le visage tourné vers l’angle du soleil levant. Puis De Profundis, les deux genoux au sol et le visage prostré au sol. Miserere peut être dit debout.

Cependant, la lettre par laquelle Martinez a envoyé les ordonnances cérémonielles promises n’était pas arrivée. Ce qui aggravait le mal, c’était qu’il contenait un talisman complet pour chaque jour de la semaine, du mois et de l’année. L’enquête terminée, il n’a pas été mis par la poste. Le serviteur sans cervelle reçut sa démission. Martinez envoie un talisman triangulaire, à tourner d’un bout à l’autre pendant les trois jours de travail préliminaire. Cependant, un mystérieux incident se produit. Le magicien est contraint de transférer son opération à un autre équinoxe.

« Nos rubriques parmi nous font en sorte que nous ne soyons jamais surpris par les sagacités régionales spirituelles [ou capacités] qui agissent en ces deux saisons ordinaires de l’année. Je les avais prévus, ainsi que leur mauvaise action. C’est ce qui m’a fait différer une opération pour ce temps-là, étant moralement sûr que cette fuite extraordinaire passerait » (Lettre du 27 septembre 1768).

Le maître voulait-il simplement gagner du temps ? Ou bien une mauvaise action d’un candidat de « Réau-Croix » à la prochaine initiation collective aurait-elle obscurci les influences ? En effet, un lord Bonnichon, frère de Guers, fut expulsé quelques jours plus tard de l’Ordre pour avoir, sans doute, trahi des secrets ou fait du trafic de degrés. Cependant, Willermoz est chargé de prier, dans son cercle éclairé aux chandelles, « pour la santé et la tranquillité d’âme et d’esprit de ce chef principal, qui vous est inconnu ainsi qu’à tous vos frères « Réaux-Croix », et que je dois tenir tranquille jusqu’à ce qu’il se fasse connaître lui-même ». Nous sommes en 1770, l’ordination a eu lieu. Mais « la chose » promise, la révélation sur laquelle Willermoz comptait, ne s’est pas produite. Déception, explications insatisfaisantes. Martinez ne comprend pas que « la chose » ne s’est pas manifestée. Finalement, il découvre que l’ordination était irrégulière. Il lui indique les rites à accomplir pour la valider.

« Vous vous transporterez extraordinairement dans une pièce convenable à votre travail, comme je vous l’ai expliqué plus tôt. Vous ferez un cercle à la craie blanche au milieu de votre pièce. Vous dessinerez également votre quart de cercle dans la direction de l’angle est, qui sera normalement éclairé. Lorsque cela sera fait, vous vous prosternerez le visage contre le sol dans le cercle que vous aurez fait au centre de votre pièce… Le haut de votre tête étant en prosternation visera l’angle de l’Est, où le quart de cercle sera marqué. Vous vous prosternerez le 22 du mois prochain, le jour de l’équinoxe, pour recevoir votre ordination à dix heures précises du soir. Et vous resterez prostré pendant environ une demi-heure, le visage contre le sol. Et je serai à mes côtés, à neuf heures précises, pour travailler pour moi et pour vous. Je resterai dans cette opération jusqu’à une heure après minuit. Quand tu seras resté à l’heure fixée dans ta prosternation, tu éteindras tes lumières ordinaires qui sont dans ton quart de cercle et tu éteindras tout ce que tu as tracé.

On avouera que tout cela manque de simplicité. Finalement, Willermoz reçut l’ordination qu’il attendait depuis trois ans. Avait-il la révélation de l' »acousa » promise ? A-t-il reçu une communication des « Anges », ces Anges dont nous parlerons plus tard ? Nous ne le saurons jamais. La lettre de Martinez se termine par un rappel des frais habituels : 2 pièces d’or par degré. « Cela donne 16 pièces, à compter du degré d’apprenti, de compagnon, de maître particulier, de grand maître élu, d’apprenti, de compagnon Coën, de maître Coën et de Maître grand architecte ». Dans le même temps, Martinez avait des difficultés avec la Cour Souveraine des Rose-Croix. En 1772, il s’embarque pour São Domingos, afin d’y recueillir un héritage. Deux ans plus tard, il meurt à Port-au-Prince. Sa mort n’affaiblira pas la foi de Willermoz. M. Vulliaud nous rapporte une partie des Instructions que saint Martin enseignait dans les loges maçonniques de Lyon vers 1785. Il s’agit d’un amalgame des théories de l’émanation chères à Jacob Bœhme et à Swedenborg et de l’alchimie telle que professée par Paracelse et ses successeurs. Les notes laissées par Willermoz – et Willermoz a beaucoup écrit – le montrent un disciple zélé de Saint-Martin, tout comme il avait été fervent avec Martinez. Et c’est ainsi que l’on peut voir quel était l’état d’esprit de la franc-maçonnerie à cette époque, car Willermoz était le correspondant qui avait l’oreille de la plupart des loges en France et à l’étranger. De plus, écrit Gustave Bord, bien que le G∴ L∴ de France en 1765 ait désavoué Martinez, elle se rétracta plus tard, « reconnaissant que le rite des Cohen élus était celui qui avait gagné le plus d’élèves et préservé avec plus de soin le secret de leurs œuvres mystérieuses » [9]. Mais l’élu Coen le plus actif, de 1765 à 1824, fut certainement Jean-Baptiste Willermoz.

Willermoz compte parmi ses correspondants Joseph de Maistre. Le cas de celui-ci n’est pas sans intérêt. En 1749, Joseph de Bellegarde, marquis de Marches, fonde à Chambéry la Loge des Trois Mortiers, liée à la Grande Loge d’Angleterre. Joseph de Maistre en est membre depuis avant 1774. C’est un grand orateur. Il la quitta en 1778, la jugeant, semble-t-il, trop endormie et mondaine, et se rendit avec quinze Frères à la loge réformée écossaise de la sincérité. Cette loge est en relation avec le Directoire écossais de la 2ème Province d’Auvergne, basé à Lyon et dont l’âme est Willermoz. Avec le nom maçonnique de Josèphe a Floribus, Joseph de Maistre fait partie d’un groupe d’initiés supérieurs, les Chevaliers Grands Professes. « Cette classe, dit Willermoz, est le dernier degré en France du régime rectifié, répandu en petit nombre, partout inconnu. Son existence est même soigneusement cachée, dès son origine, à tous les chevaliers qui n’ont pas encore été reconnus comme dignes et capables d’y être admis avec du fruit. Le collège de Chambéry ne comptait que quatre Grands Profès, Chevaliers Maçons de l’Ordre Bienfaisant de la Ville Sainte. La correspondance et les divers papiers que M. Émile Dermenghem a pu consulter dans les archives de la famille De Maistre montrent que le comte Joseph était un franc-maçon actif. Il a été membre de la franc-maçonnerie écossaise pendant au moins dix-sept ans. Comment concevait-il la franc-maçonnerie et qu’en était-il venu chercher ?

Ouvrons le Mémorial au Duc de Brunswick-Lunebourg, Grand Maître de la franc-maçonnerie écossaise de stricte observance, rédigé en 1782 à l’occasion du Congrès de Wilhelmsbad. D’abord, s’il ose prendre la parole, c’est parce qu’il est impossible que la réponse envoyée par la Préfecture de Chambéry aux questions posées « réponde aux perspectives de quelques frères, plus chanceux que d’autres, qui semblent appelés à contempler des vérités d’un ordre supérieur ». Nos origines ? Débarrassons-nous des Templiers. Outre le fait que cette source n’aurait rien de très honorable, surtout, l’initiation maçonnique est antérieure aux Templiers. Les frères les plus érudits de notre Régime croient qu’il y a de fortes raisons de croire que la vraie franc-maçonnerie n’est rien de plus que la Science de l’homme par excellence, c’est-à-dire de son origine et de son destin. Certains ajoutent que cette science ne diffère pas essentiellement de l’ancienne initiation grecque ou égyptienne. Rien ne prouve, ou plutôt bien des raisons, jettent le doute sur l’existence de cette science secrète grecque ou égyptienne. Mais s’il semble opportun de réserver la bienfaisance au premier degré ; à la seconde, le rassemblement des sectes chrétiennes ; Le troisième degré aura pour objectif la révélation de la révélation, l’étude du christianisme transcendant. Tout est mystère dans les deux Testaments, et les élus des deux lois n’étaient rien de plus que de véritables initiés. Il faut donc s’interroger sur cette vénérable antiquité et se demander comment elle comprenait les allégories sacrées. Qui peut douter que ce genre d’enquêtes ne nous fournira des armes victorieuses contre les écrivains modernes qui ne voient obstinément dans l’Écriture que le sens littéral ? Les premiers chrétiens étaient tous en faveur du sens allégorique. Et à propos de cet article, la Synagogue n’a pas pensé différemment de l’Église. « Quel vaste champ ouvert au zèle et à la persévérance du G.P.[= Grand Professed]… ! Que quelques-uns se plongent courageusement dans des études d’érudition, qui peuvent multiplier nos raisons et éclaircir celles que nous possédons. Que d’autres, dont le génie invite à la contemplation métaphysique, examinent dans la nature même des choses les preuves de notre doctrine. Que d’autres enfin (et qu’il plaise à beaucoup !) nous disent ce qu’ils ont appris de cet Esprit qui souffle où il veut, comment il veut et quand il veut. Dans le même temps, Joseph de Maistre plaide en faveur de l’appareillage des cérémonies, y compris les cierges, sous réserve de rendre le rituel « de plus en plus conscient et quelquefois auguste ». Il plaide également pour le secret et l’initiation progressive. « Il n’est pas possible d’exprimer à quel point ces suspenses, ces vagues espoirs que l’on montre de loin et dans la pénombre aux jeunes maçons, contribuent à l’Ordre, en les maintenant dans l’expectative. »

Au moment de la rédaction des Soirées de Saint-Pétersbourg (1809), Joseph de Maistre avait depuis longtemps abandonné la franc-maçonnerie. Pourquoi? N’aurait-elle pas été à la hauteur de ses attentes de révélations, à ses attentes aussi pour le renouveau de l’humanité ? La Révolution et ses éclats lui auraient-ils ouvert les yeux, au moins éveillé ses soupçons sur le contre-coup social de certaines doctrines ? Ce qui importe à notre sujet, c’est son jugement sur les relations entre la franc-maçonnerie et l’occultisme. Le jugement est clair :

« Je ne dis pas que tout illuminé est franc-maçon : je dis seulement que tous ceux que j’ai rencontrés, surtout en France, l’étaient ; Leur dogme fondamental est que le christianisme, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est rien de plus qu’une véritable loge bleue, faite pour le vulgaire ; mais cela dépend du désir de l’homme de s’élever, de degré en degré, à la connaissance sublime que possédaient les premiers chrétiens, qui étaient de vrais initiés. C’est ce que certains Allemands appellent le christianisme transcendantal. Cette doctrine est un mélange de platonisme, d’origénisme et de philosophie hermétique. La connaissance surnaturelle est le grand objet de leurs travaux et de leurs espérances ; Ils ne doutent pas qu’il ne soit possible de se mettre en communication avec le monde spirituel, d’avoir du commerce avec les esprits, et de découvrir ainsi les mystères les plus rares. (IIe colloque.)

Recordamo-nos de ter acabado de ler isso na Memória ao Duque de Brunsvique, mas com uma entoação um tantinho diferente. De Maistre adiciona:

“Não me acusareis de falar dos iluminados sem os conhecer. Encontrei-os muitas vezes; copiei os escritos deles de meu próprio punho. Esses homens, em meio aos quais tive amigos, muitas vezes me edificaram; muitas vezes me divertiram [nem tanto, ao que parece], e muitas vezes também… mas não quero me lembrar de certas coisas [recuo enigmático: promessas vãs? fraude? avareza? escândalos?]. Procuro, pelo contrário, ver somente os aspectos favoráveis.”

Seja qual for o resto de favor que De Maistre foi capaz de conservar ainda por um certo esoterismo, ele atesta por experiência que em todo franco-maçom há um iluminado. As coisas mudaram, desde então?

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Em carta de Martinez Pasqualis a Willermoz, falou-se de comunicações recebidas dos anjos. De Maistre acaba de fazer menção a comércio com espíritos. O Diário dos primeiros Sonhos escritos da Srta. Joana-Gilberta-Rosália Rochette, de 29 de março a 4 de maio de 1785,realizado por Willermoz com a sua minúcia habitual e publicado por E. Dermenghem,[11] ajuda-nos a compreender, junto de algumas outras publicações do gênero, o que é que se deve entender por essas comunicações e por esse comércio. Enquanto estava em tratamento em Mont-Doré, a Srta. Rochette enamora-se do jovem De Pizay, que estava morrendo de tuberculose. Ora uma tarde, tendo ido lhe fazer visita, ela o encontra estirado morto em seu aposento. Donde crises convulsivas. Ela chega a Lião, por recomendação do Sr. De Monspey, para ser ali submetida aotratamento magnético da Sociedade da Concórdia. O conde de Castellas, decano do Capítulo, tendo-a reconhecido como uma compatriota, encarrega-se do tratamento dela. Willermoz se oferece para ajudá-lo e para substituí-lo em caso de ausência. Notemos que esses diversos personagens, a exemplo de Willermoz, são Grandes Professos no rito escocês retificado.

Em 30 de março, às sete horas da noite, a Srta. Rochette, adormecida por meio de passes, e terminadas as orações, vê os santos patronos do Sr. Decano, os seus próprios e os bons anjos dos dois. Ela continua enxergando De Pizay estirado diante dela, “vergado”, o rosto coberto de estrelas, tendo à direita o tio Castellas e à esquerda sua irmã Marguerite, ambos ajoelhados. Uma entidade bendita se mantém de pé, perto dacabeça de De Pizay. Deve ser parente de Willermoz: contempla-o com muito interesse. Um anjinho vem presentear De Pizay com um rolinho de papel da grossura de um dedo. Todos os seres bem-aventurados presentes, cercados de luz, erguem os olhos para o céu. Eis que o rolinho se desdobra. Nele, ela lê: “Consola um ser cuja alma se eleva a Deus e diz a ele que o ente que tu vês ali e que te era desconhecido é o pai dele.” (Claude-Catherin Willermoz). O rolinho está preso com filetezinhos de ouro, que De Pizay desfaz toda vez que ele quer ler alguma coisa para ela. “Ah! — exclama ela —, o pai do Sr. Willermoz vai beijar com grande alegria os pés de De Pizay”. Ela lê no rolinho que De Pizay aguarda Willermoz junto de muitos de sua família. O anjinho apaga essa palavra e escreve alguns.

Ela vê a Virgem Santíssima, São João Batista e São João Evangelista. Depois das preces de ação de graças, o Sr. Decano abre os olhos dela, passando três ou quatro vezes os polegares pelas pálpebras dela. São nove horas. 2 de abril, 8 horas da noite. Ela vê chegar pelo seu lado esquerdo uma sombra negra, que se esforça para se aproximar do pai do Sr. Willermoz. A vidente está muito comovida; ela se cala, depois exclama: “Ah!, senhor Willermoz, essa sombra escura é a sua mãe. Ah!, como ela sofre, e faz tanto tempo; ela foi mesmo esquecida, a pobre mulher! Ela me dá pena.”

5 avril. Le voyant réprimande vivement Willermoz de ne pas être venu le 3 avril, comme il l’avait promis. Son absence a gâché la séance. Elle voit deux des personnages se jeter dans ses bras. Exclamations, prières ardentes, torrent de larmes. Le bon Willermoz se sent incapable de raconter la scène.

8 avril. Il y a beaucoup de petits anges ; Il y en a vraiment dix-huit. Ils portent une petite chaire. C’est là qu’entre un prêtre, l’oncle de Willermoz. Il sort un rouleau de sa poche, on dirait qu’il va prêcher, mais il a une chasuble blanche et noire, comme s’il allait dire la messe… Il se met à genoux… Il se lève. Elle sent la mère de Willermoz, ses trois sœurs et le frère de M. Dean dans son ventre. Ils le pressent fermement. Elle a l’air totalement étouffée. (Disons que la voyante est enceinte.) Ensuite, il y en a sept qui le pressent. Un personnage apparaît tout en feu. C’est un autre oncle de Willermoz. Une flamme s’élève dans sa main : un cri d’étonnement, de douleur. Puis elle prononce pendant vingt-huit minutes [admirons la justesse du rapporteur], sans aucune interruption, un sermon plein d’énergie et d’onction, d’abord sur les souffrances de l’enfer et autres lieux de douleur, puis sur le ciel. « Le sermon a été prononcé avec une telle violence, une telle chaleur et une telle fuite, qu’il n’a pas été possible de retenir par écrit une seule phrase de lui. » Dans les séances suivantes, l’oncle prêtre de Willermoz apparaît à plusieurs reprises. Le rouleau qu’il apporte est tout couvert de flammes. Il est chargé de célébrer, pour sa mère et les trois sœurs défuntes de Willermoz, douze messes, avec des prescriptions détaillées quant au mode et aux jours, ainsi qu’une liste de demandes adressées au commerce de la soie lyonnaise du sieur Jean-Baptiste Willermoz. Le rouleau ajoute :

« Tous les membres de ma famille, c’est-à-dire mes frères, etc., d’un âge convenable, et les proches de mon oncle défunt, s’ils peuvent le leur apprendre sans imprudence, diront le psaume De profundis trois fois par jour pendant douze jours de leur choix sur les vingt-quatre jours prescrits ; Et comme certains d’entre eux, par oubli ou par manque de confiance, pourraient ne pas y parvenir, il faut se rattraper, en choisissant autant de pauvres qu’il y a de gens que nous pouvons soupçonner d’avoir été absents : nous les paierons en les chargeant des prières ci-dessus.

Nous pensons invinciblement aux chaînes de supplications et autres pratiques superstitieuses de nos contemporains « éclairés ». Le littéralisme occulte varie peu. Mlle Helena Sánchez. Rochette fait aussi savoir qu’il y a entre M. Dean et elle « une alliance spirituelle de nature essentielle, déterminée dans l’Ordre primitif et qui ne peut être détruite, et que c’est là que réside la véritable cause de l’amitié et de la confiance particulières qui sont, et doivent subsister, entre les deux ». Encore une fois les affinités spirituelles prédestinées.

Alguns erros embaraçosos. A vidente anunciara que teria um menino: ela dá à luz uma filha. No decurso das sessões, faz-se menção a uma certa Srta. Bergé, “enferma do trato social”, que tinha, também ela, sonhos e visões extraordinários. A rogo de Willermoz, assistia ela a uma missa cantada que ele mandava rezar pela mãe dele. Depois da consagração, ela viu, em cima do sacerdote que celebrava missa, outro padre, de hábito sacerdotal. Ora, a Srta. Rochette anunciara a Willermoz que um seu tio sacerdote assistiria invisivelmente a esta missa. Por mais que Willermoz advirta que a Srta. Rochette não tinha comunicação com ninguém, como esquecer-se de sua candura? E esses “transes” artificiais dentro da igreja, em meio aos santos mistérios, têm para os verdadeiros fiéis ar de profanação.

Se formos nos lembrar de que todos os personagens de que aqui se trata pertenciam aos altos graus, e que Willermoz tinha posição de oráculo entre os maçons, resta que a franco-maçonaria de então se entregava, com a religiosidade que era do tempo, às práticas do espiritismo moderno.

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Franco-maçonaria e ocultismo viriam a manter sua aliança. Procurando entender a razão da expansão fulminante do espiritismo nos Estados Unidos entre 1851 e 1853, René Guénon julga poder descobrir aí obra de uma sociedade secreta. O que está comprovado é que Allan Kardec, grão-profeta do espiritismo a partir de 1854, pertencia à franco-maçonaria, e foi nos círculos franco-maçons que ele recrutou seus primeiros adeptos. Léon Denis, que se fez durante quarenta e cinco anos, de 1882 a 1927, comissário viajante das doutrinas espíritas em França e no estrangeiro, fizera-se inscrever na maçonaria e guardou o espírito dela a vida inteira. Madame Blavatsky, fundadora da Sociedade Teosófica, que pretende inspirar-se das doutrinas herméticas da Índia, exercera de 1871 a 1878 a profissão de médium no Cairo. Ela abrira ali um “círculo de fenômenos”. O círculo, aliás, teve de ser fechado por causa de fraude. Ela associou-se, como se sabe, ao coronel Henry Steele Olcott, que dividia os lazeres dele entre lojas maçônicas e sociedades de espiritismo. O intermediário dos dois foi um misterioso John King, que o coronel Olcott diz ser membro de uma loja maçônica, assim como era o seu correspondente Rev. Stainton Moses, e também Victor Michal, o primeiro magnetizador de Madame Blavatsky. Um dos membros importantes da “Sociedade de Investigações Espiritualistas” que logo viria a tornar-se a “Sociedade Teosófica”, Charles Sotheran era alto dignitário da maçonaria americana. Se o general Albert Pike, Grão-Mestre do Rito Escocês para a jurisdição meridional dos Estados Unidos, frequentou por um tempo Madame Blavatsky, o que parece, nota conscienciosamente o Sr. René Guénon, é que essas relações não tiveram prosseguimento. Igualmente, é pura gabarolice da parte de Madame Blavatsky badalar seu título de Arqui-Auditora no Arya Samâj, que seria “a principal loja maçônica da Índia, a mais antiga das lojas maçónicas, anterior a Jesus Cristo”. Não houve lojas maçônicas nas Índias antes dos ingleses.[12] Em torno de 1889, a Sociedade Teosófica concluíra uma espécie de aliança com uma Societas Rosicruciana, diferente dos rosa-cruzes de origem alemã de que falamos. Essa Societas Rosicruciana tinha por objetivo o estudo das tradições ocidentais; ela mantinha os seus conhecimentos secretos; os irmãos estavam obrigados ao segredo quant ao seu grau. Ela não admitia senão maçons que possuíssem grau de Mestre entre seus membros, cujo número está limitado a cento e quarenta e quatro. [13] Mais recentemente, no dizer do Sr. Guénon, o teosofismo fez aliança, não abertamente com a franco-maçonaria oficial, mas com lojas que podem ser chamadas de “irregulares”, decerto que empreendedoras e atrevidas. De resto, existe afinidade profunda entre o pensamento maçônico e o pensamento teosófico: todos dois tendem a uma espécie de internacionalismo filosófico acima de todas as religiões. [14]

Ainsi, la franc-maçonnerie et l’occultisme, sous leurs différentes formes, se rejoignent dans une même pensée : l’établissement d’une Église universelle sans Dieu ou dont l’homme serait le dieu. Résumons ce qui précède. Laissons de côté, comme purement fantaisistes, les origines qui font remonter la franc-maçonnerie à Christian Rosenkreutz, aux Templiers, aux ouvriers du Temple de Salomon, aux anciens mystères, à Noé ou au Paradis terrestre. Elle est née en Angleterre entre les années 1717 et 1723. D’abord politique, et comme telle mêlée à la lutte entre les Stuarts et la maison d’Orange ou de Hanovre, elle acquiert peu à peu un caractère spéculatif ou philosophique. Recrutant ses premiers membres parmi les artisans et les personnalités protectrices des confréries de constructeurs, elle leur emprunte les insignes, les rites et la loi du secret concernant les procédures de fonction. Le sens allégorique qu’il leur attribue, le renforcement croissant de la loi du secret, qu’il se fait une force et une attraction, plus encore qu’une défense, lui confèrent son caractère de société d’initiés. L’invasion des doctrines rosicruciennes, vers 1720 et 1723, déclenche chez elle un goût pour les croyances et les pratiques occultes. Dès lors, tout ce qui s’y trouve sera revêtu d’un appareil et de formes hermétiques. Il ne semble pas qu’un grand dessein ou une doctrine achevée ait présidé à sa naissance. Elle adopte, selon l’esprit du temps, la religion naturelle avec la croyance en l’Être suprême et en l’immortalité de l’âme. S’il conserve, pour un instant, la croyance en la divinité de Jésus-Christ, c’est comme par un reste d’habitude : on ne voit pas l’influence de cette foi dans son action. Dès le début, il y a une distanciation, une méfiance et, bientôt, une hostilité envers l’Église et toute autorité religieuse. L’esprit rosicrucien est un esprit luthérien, clairement anti-papal : chez les Rosicruciens, cet esprit domine progressivement la franc-maçonnerie. Joseph de Maistre note « leur aversion pour toute autorité et hiérarchie sacerdotale. Cette caractéristique est généralisée chez eux : je n’y ai jamais trouvé d’exception parfaite, parmi les nombreux adeptes que j’ai rencontrés… Les Lumières (celles des francs-maçons rosicruciens) anéantissent fondamentalement l’autorité, qui est pourtant la base de notre système. (IIe colloque.) Et c’est cela, semble-t-il, qui a conduit l’auteur de Du Pape à rompre avec la franc-maçonnerie. Sans plan formé à l’avance, il entre dans tous les mouvements qu’il voit s’élever contre l’Église : jansénisme, philosophisme, égalitarisme, martinisme, spiritisme, théosophe. Il suit, plus qu’il ne crée ; Mais il continue à diriger et à dominer. A-t-elle fait la Révolution française ? Il est entré dans le mouvement révolutionnaire, comme il entre dans tout mouvement anticatholique et antichrétien. Ses membres les plus exaltés ont inspiré les Clubs dont, au jugement d’Augustin Cochin, la Révolution est née, plutôt que des Loges. Parmi la noblesse qui a fini par être guillotinée, il y avait de nombreux francs-maçons : ils n’ont pas prévu, dans leur légèreté et leur inconscience, le résultat de ce qu’ils favorisaient. Il ne semble pas non plus que la franc-maçonnerie ait été un organisme spécifiquement juif. La franc-maçonnerie s’est servie des Juifs ; et les Juifs, de la franc-maçonnerie ; chacun pour ses fins, et les fins pouvaient souvent coïncider. Mais on ne voit pas dans le monde juif cette unité et cette continuité que certains écrivains supposent. Tout cela rend-il la franc-maçonnerie moins mauvaise ? Pas du tout. Sa malfaisance et sa force consistent à s’appuyer sur les mauvais éléments de l’opinion et à les exploiter. Essentiellement une tactique ruse et destructrice. C’est ainsi que, longtemps bourgeoisisée alors qu’elle se contentait d’être voltairienne, elle devint, comme le montrent des documents récents, fidèle à son esprit anti-chrétien, communiste, bolchevique, sans renoncer à ses airs occultes et occultistes.

Lucien ROURE.

Notes

1. La Franc-Maçonnerie en France. Des Origines à 1815 [La franc-maçonnerie en France. Des origines à 1815]. Tome I. Les Ouvriers de l’Idée révolutionnaire Révolutionnaire, 1688-1771]. Paris, 1908. Le premier volume n’a été publié qu’à partir d’un ton commercial. On ne regrettera jamais assez que des difficultés d’ordre essentiellement matériel aient apparemment retenu l’auteur dans la publication de ses œuvres.

2. Mai 1915, p. 162-165.

3. La première traduction publiée par Chacornac, en 1928.

4. R. Le Forestier, L’Occultisme et la Franco-Maçonnerie écossaise. Chapitre IV. Paris, Perrin, 1938.

5. Voir Gustave Bord, op. cit., p. 165.

6. Gustave Bord, op. cit., p. 246-247.

7. Les Roses-Croix Lyonnais au XVIIIe siècle. Paris, Émile Nourry, 1939.

8. Avec son orthographe pittoresque, Pasqualis écrit : Correspondance sain patique… Chevaux, conssert… A l’exemple de M. P. Vulliaud, nous avons reconstitué l’orthographe presque normale, afin d’éviter au lecteur de l’ennui inutile.

9. Ibid., p. 246.

10. Aéroport international La Franc-Maçonnerie. Mémoire au duc de Brunswick, par Joseph de Maistre. Introduction par Émile Dermenghem. Paris, Rieder, 1925 ; p. 14.— Voir aussi : Joseph de Maistre mystique, par Émile Dermenghem. Paris, la Connaissance, 1925, et Joseph de Maistre franc-Mason, de Paul Vulliaud. Paris, Nourry, 1916.

11. Les Sommeils. Etude d’Émile Dermenghem, Paris, la Connaissance, 1926.

12. René Guénon, Le Théosophisme. ; Histoire d’une Pseudo-Religion [Theosophism. Histoire d’une pseudo-religion]. Paris, 1921, p. 17-30.

13. Ibid., p. 33.

14. Ibid., p. 241 à 250.

Trad. par Felipe Coelho ; Extrait de : « L’Occultisme et la Franc-Maçonnerie », rev. Études, année 67, tome 203, fasc. du 5 juin 1930, p. 556-577.